Aujourd’hui Anne-Hélène Téménides nous ouvre les portes de chez elle afin de découvrir comment elle a transformé un appartement haussmannien sombre resté dans son jus depuis les années 50 en un appartement épuré, baigné de lumière tout en conservant son charme d'ancien.
Dans cette interview, Anne-Hélène partage avec nous son parcours professionnel et surtout l'approche qu'elle a adoptée pour la rénovation de son appartement.
Encore étudiante, j’ai eu l’opportunité de travailler chez Renzo Piano à Paris. Je devais y rester une semaine. J’y ai passé presque trente ans ! C’est là où j’ai appris véritablement mon métier d’architecte qui est un apprentissage dans la durée. L’architecture est à la rencontre de beaucoup de domaines, humains, techniques, sensibles. C’est un métier qu’on acquiert par l’expérience, la pratique. Après avoir été en charge de très gros projets chez Piano, j’ai eu envie de fonder ma propre agence. En mai dernier j’ai créé l’Atelier Téménides Architectes.
Je ne prétends pas avoir un style. Qu’il s’agisse d’un projet de grande ampleur ou d’un aménagement intérieur, ma démarche est sensiblement la même. Je procède à l’analyse des données de départ : conditions topographiques d’un site ou configuration d’un lieu à mettre en phase avec les enjeux programmatiques, techniques, environnementaux du programme. Il s’agit ensuite de trouver le meilleur équilibre entre toutes les contraintes, parfois contradictoires, d’un projet. Je cherche toujours la solution la plus épurée et la plus cohérente de l’ensemble jusqu’aux détails. Plus qu’un style il en découle une écriture peut-être, dictée par cet objectif constant qui est de créer des lieux où on se sente bien. Cela passe par le travail de la lumière, de la matière, la recherche d’une certaine simplicité, voire d’un certain dépouillement que je trouve apaisant.
L’architecture est à la rencontre de tant de disciplines que tout ou presque est source d’inspiration! Le cerveau emmagasine un tas d’images, d’émotions, d’expériences spatiales qui nous ont frappés lors de promenades, de visites de bâtiments, d’expositions. Cette banque d’images ressurgit lors la maturation d’un projet et le nourrit, l’inspire.
L’appartement m’a séduite avant tout par la vue qu’il offre sur le ciel de Paris, une vue calme, qui plus est, comme un envers de décor qui embrasse toute la ville mais sans son tumulte. L’autre atout était son orientation est-ouest. Quand nous l’avons visité, tout était sombre. Les murs étaient tapissés de papier rouge foncé ou marron, le parquet était noir, des rideaux et doubles rideaux obscurcissaient les pièces. Malgré tout cela, nous avons tout de suite saisi le potentiel qu’offrait la configuration de cet appartement traversant situé au 6ème étage.
Quand nous l’avons acquis, l’appartement n’avait subi aucune modification depuis les années 1950. Tout était à refaire : plomberie, chauffage, électricité, sans parler des murs, plafonds, fenêtres à changer. Pour nous, architectes, c’était idéal !
Nous avons commencé par travailler le plan pour faire entrer le maximum de lumière naturelle et mettre en scène la vue sur Paris depuis l’entrée et les pièces principales. Nous avons pour cela supprimé quelques cloisons et créé des percées visuelles de part en part, ce qui donne aussi un sentiment de spaciosité au logement.
Nous avons créé des baies en verre dépoli dans les murs intérieurs des pièces en second jour : toilettes, salle de bain. Ainsi même ces pièces bénéficient de la lumière naturelle.
Nous avons gardé le caractère haussmannien du lieu (moulures au plafond, portes ouvragées, parquet en chêne doré). Seules la cuisine et la salle à manger existantes ont été entièrement reconçues. La cuisine, légèrement surélevée s’ouvre sur la salle à manger pour constituer un vaste espace baigné de lumière, au cœur du logement. Toutes les autres pièces se greffent directement sur ce lieu de vie central sans l’intermédiaire de l’entrée et du couloir sombre qu’il y avait précédemment. On a gagné ainsi, non seulement en lumière mais aussi en espace utile.
Nous avons pas mal prospecté pour trouver les matériaux précis que nous avions en tête : carrelages de la salle de bain, grès cérame de très grande dimension pour les plans de travail de la cuisine, robinetterie, luminaires.
Pour l’unité de l’ensemble, un enjeu important était la réfection du parquet qui couvre l’ensemble des pièces de vie et qui était très abîmé. L’ouvrier qui s’en est chargé a su réinsérer parfaitement des lattes neuves dans le parquet ancien. Nous avons trouvé ensuite un vernis transparent idéal, qui tout en protégeant le bois, lui donne l’aspect presque brut et clair que nous recherchions.
J’adore notre chambre, qui est toute petite mais paraît beaucoup plus grande grâce à la lumière naturelle qui y entre largement. C’est un lieu très reposant. Nous avons dessiné des meubles sur mesure intégrant des penderies et un lavabo. C’est très agréable d’avoir un petit coin de toilettes à soi dans sa chambre!
J’adore aussi la cuisine-salle à manger. C’est vraiment le cœur vivant de la maison. On peut cuisiner, recevoir, sans être coupé des autres. On y est finalement presque tout le temps. On a installé deux petits fauteuils près de la fenêtre d’où on peut contempler la vue, les toits, le ciel changeant. C’est un spectacle dont on ne se lasse pas.
Peut-être notre « lanterne magique » ! On a créé des baies en verre dépoli entre la salle de bain et les deux chambres mitoyennes. Le matin, le soleil rentre dans la douche par la baie située côté est. Le soir, la lumière dorée du couchant rentre par la baie côté ouest. Inversement, la salle de bain ayant une petite fenêtre au sud, la lumière arrive par là aussi dans les chambres. Quand il fait nuit, on peut jouer avec l’éclairage artificiel et ce dispositif pour créer des mises en scène entre les différentes pièces.
A vrai dire j’aime le blanc. Je trouve qu’on n’a jamais assez de lumière, à Paris du moins. Des murs blancs, un sol clair favorisent la luminosité. En revanche, j’aime jouer avec des touches de couleurs vives, franches, qui égayent les pièces. Dans les chambres, nous avons utilisé un rouge très joyeux pour les panneaux coulissants des placards. Dans le salon, nous avons un fauteuil vert pomme, un autre orangé, des coussins colorés.
Salon de Anne-Hélène
Le calme, la sobriété des murs et des plafonds blancs autorise un certain désordre du quotidien tout en gardant l’harmonie générale. Si la décoration en toile de fond est trop présente, trop chahutée, les objets disparates du quotidien peuvent avoir du mal à trouver leur place.
Faire appel à de bons architectes 😉, puis à de bonnes entreprises !
Il faut vraiment observer les lieux, la course du soleil, pour comprendre quels seront les endroits les plus agréables selon son mode de vie : où placer la cuisine pour avoir le soleil du matin pendant le petit déjeuner, par exemple ? Comment agencer le salon pour s’y sentir bien ? Comment agencer les chambres pour être le plus au calme possible ?
L’architecture a un rôle essentiel pour rendre le quotidien plus agréable.
Pendant le confinement, les gens ont compris à quel point il est important d’habiter des lieux lumineux, agréables à vivre.
Nous ne pouvons qu'être d'accord avec Anne-Hélène, dernièrement nous avons tous (re)découvert l'importance d'avoir un chez soi confortable, reflétant son image et où on se sente bien. La mission de Jurande est de rendre cela possible à travers des objets de décoration uniques et même parfois faits sur mesure.
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